A chacun son « bled », le mien est dit « inutile »
même s’il offre un havre sûr par son barrage aux flots de Moulouya
qui y finissent leurs courses freinées depuis le haut Atlas pré-oriental
pour désaltérer et éclairer les toits de l’Oriental. Idylle ou simulacre
?
Quand « Anbdou (la récolte) est bon, la saison estivale s’y
pare de toutes les couleurs ancestrales et devient le temps d’un
théâtre féérique par excellence. Un théâtre où toute péripétie de
rituel est une « invitation au voyage » à un monde « merveilleux
» qui laisse rebondir les véritables valeurs amazighes de solidarité,
de bon voisinage, d’hospitalité et d’amour...
Une fête de mariage, en l’occurrence, y prend l’ampleur d’un
festival. Avec un « synopis » quasi banal
hérité de l’antiquité, les « noceurs » imaginent des scénarios qui
raniment ce « trou de verdure » où l’année durant, presque rien
ne s’était passé.
Prologue
A quelques jours de la date promise, la mobilisation est totale
: On ne rate aucun souk hebdomadaire pour choisir les ingrédients
du festin, les instruments de musique, et autres besoins de toilettes
comme autant de robes, costumes et parures...
Acte 1 : Premier jour festif
Juste avant midi, le cortège est fin prêt. C’est la caravane
de « TAZOUDHA » : une femme âgée, élue par les parents du fiancé,
prend la tête du cortège, un plateau de bronze à la main rempli
de henné cru garni d’œufs durs ; derrière
elle un cheval ou un mulet nu ; la suite du cortège est composé
de montures chargées de corbeilles pleines, de boucs ou chevreaux
et d’une petite foule de jeunes femmes, les
béndirs (ARKKOUTH) aux mains, chantant tout ce qu’elles avaient
répété pour l’occasion à la manière d’AHIDOUS.
A son arrivée, la caravane est accueillie par les invités
de la fiancée avec du lait, des dattes, du miel et du beurre avant
que les deux groupes ne se mélangent pour chanter et danser...
La femme âgée présente le plateau de bronze à la fiancée, lui étale
le contenu de la valise ou coffret contenant une partie de la dot
en robes et parures, préside la cérémonie du henné et ordonne à
la fiancée de se préparer pour quitter le foyer parental sur le
cheval (ou mulet) élu (actuellement, c’est la voiture !).
Une fois le cortège accueilli par le fiancé chez-lui, commencent
la première veillée et le rituel « ALAAKISSA ».Pendant que les invités
s’abandonnent aux différents spectacles, un petit groupe de jeunes
célibataires se retire dans un petit coin servant de coulisses pour
préparer des « manœuvres » : Ils s’agit de jeux de rôles inventés
pour l’occasion incitant à chaque fois, et pendant une grande partie
de la nuit, le fiancé à trouver une excuse pour persuader la AAKISSA
de l’autoriser à pénétrer chez sa fiancée..
Tous les essais se vouent à l’échec puisque la consigne du rituel
est ferme : la fiancée doit passer la première nuit toute seule...
Acte 2 Deuxième jour festif
Dès le début de l’après-midi, les parents du fiancé s’apprêtent
à accueillir les « TIWSI » provenant de toutes les directions :
Chaque groupe d’invités arrive avec une offrande (tiwsi) composée
d’ovins, de sucre, de thé, de menthe, de farine et autres. La cérémonie
d’accueil prend l’allure d’un « bal dansant » où la musique, le
chant et la danse ne connaissent aucun répit.. La veillée, elle,
est partagé en trois grands moments. La premier dure jusqu’aux environs
de minuit.
Il est réservé aux différents spectacles présentés par divers
groupes folkloriques professionnels ou amateurs crées pour l’occasion.
Après le grand festin, nécessairement copieux, se constitue l’ «
escorte » du « Sultan ». Celui-ci s’habille cérémonialement (Djellaba,
Quendrissi,Burnous, babouches...), prend la tête d’un groupe de
jeunes, guidé par son Vizir et fait le tour de la maison avant de
pénétrer pour de bon, cette fois, dans la chambre de sa « princesse
».
Dehors, le groupe de jeunes continue à répéter en chorale des comptines
psalmodiant la fin du célibat avant de se retirer pour préparer
de mauvais tours au « Sultan ».
A chaque fois un « émissaire » du groupe trouve une excuse pour
frapper à la porte ou à la fenêtre de la chambre nuptiale pour signifier
au « Sultan » qu’il avait pris trop de temps, que cela risquait
de remettre sa virilité en cause. La scène se répète impitoyablement
jusqu’à ce que le « sultan » entre-ouvre la porte et jette au groupe
guetteur un bout de tissu blanc tout maculé de sang : Ouf ! honneur
et virilité confirmés ! !
Actes 3,4,5,6 (jusqu’au sixième jour)
A partir du troisième jour, le jeune couple doit convoler
en justes noces loin du toit familial. Il est invité quatre jours
de suite, à tour de rôle, par quatre familles différentes. Elles
lui offrent gît et couverts et garantissent, à leurs frais, la continuité
des festivités : festins, groupes folkloriques, convives, cadeaux,
etc..
Acte 7 : Septième jour ou « TIGHILALT
»
Les deux jeunes mariés rentrent chez eux, offrent une réception
à leurs proches et amis intimes et racontent tout ce qui a marqué
les six jours de festivités nuptiales.
Dès le huitième jour, la vie du nouveau couple commence : C’est
déjà le prélude d’un nouveau chapitre d’un « roman fleuve ».
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