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Maroc:
la lente renaissance des qsar
Mohamed
Berriane, géographe,professeur à l’Université |
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Mohammed V de Rabat, Maroc |
Le tourisme
sauvera-t-il les qsar et les qasba des vallées et des oasis du Grand Sud
marocain? Ces maisons fortifiées construites en pisé, parfois perchées
en haut de pitons rocheux, constituent l’une des principales attractions
recherchées par les visiteurs étrangers en quête d’insolite. Ils les découvrent
en général en partant de la petite ville de Ouarzazate, située aux confins
de l’Atlas, à environ 200 kilomètres au sud de Marrakech. Cette ancienne
bourgade du bout du monde est aujourd’hui devenue une véritable station
touristique. Ses hôtels homologués totalisent 5 502 lits et vendent plus
de 450 000 nuitées par an. La région de Ouarzazate compte 300 des quelque
1 000 qasba inventoriées au Maroc. Ces demeures de taille très variable
impressionnent par leur beauté architecturale et par l’originalité de
leur organisation socio-spatiale. Mais elles attirent surtout le regard
à cause de leur fragilité et de leur dégradation, souvent très avancée.
Ces maisons
mono-familiales se caractérisent par leur architecture défensive et comportent
en général quatre tours d’angle. Exclusivement construites en terre sur
deux ou trois étages et agrémentées de toits-terrasses reposant sur des
poutres de palmiers, elles arborent parfois de riches décorations dans
leurs parties hautes. Elles constituent les pièces maîtresses de villages
entourés d’une enceinte fortifiée, où l’on pénètre par une porte unique:
les qsar
Deux siècles
pour mourir Le pisé de ces fragiles ensembles résiste mal
aux intempéries et aux outrages du temps: l’espérance de vie d’un qsar
ne dépasse guère deux siècles. Autrefois, au bout de cette période, ses
habitants l’abandonnaient pour en construire un nouveau à proximité. Mais
l’évolution socio-économique du Maroc et de la région au cours des dernières
décennies a gravement compromis cette perpétuelle renaissance des qsar.
L’arrêt du commerce caravanier transsaharien, la disparition de l’insécurité,
la construction d’un Etat national centralisé, la télévision (omniprésente
comme le signale les nombreuses antennes paraboliques) ont, entre autres,
bouleversé l’ordre traditionnel qui prévalait dans les sociétés oasiennes.
Aujourd’hui, les communautés qui n’ont pas émigré vers des contrées plus
prospères préfèrent bâtir extra muros de petites habitations en parpaings
de ciment et des mosquées en dur. Ces édifices sont certes trop chauds
l’été et trop froids l’hiver, mais ils disposent parfois d’un confort
minimum: eau, électricité, etc.
Pourtant,
les récents événements qui ont marqué la vie du village
d’Aït Ben Haddou montrent que la cause des qsar n’est pas totalement perdue.
Cette cité située à quelque 35 kilomètres de Ouarzazate aurait été fondée
au XIe siècle. Elle comprend aujourd’hui six qasba et une cinquantaine
de maisons, toutes en ruines. Les habitants les ont abandonnées pour s’installer
sur l’autre rive de l’oued, plus proche de la route. Quatre-vingt quatre
familles vivent aujourd’hui dans ce nouveau village. Véritable chef-d’œuvre
architectural et paysager, inscrit sur la Liste du patrimoine mondial
de l’UNESCO en 1987, le vieil Aït Ben Haddou a été le premier qsar à bénéficier
du programme national pour la préservation des qasba du Sud. Lancé il
y a une dizaine d’années par le ministère de la Culture, avec l’appui
du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), de l’UNESCO
et de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), ce programme visait à
la fois à sauver un patrimoine culturel en péril et à stimuler le tourisme
dans la région.
Efforts
concertés :La tâche s’est avérée des plus ardues. Confrontée
à une architecture de l’éphémère, les techniques de restauration classiques
apparaissent d’une efficacité limitée. Elles permettent de prolonger la
durée de vie des édifices en terre de quelques années au maximum. La seule
manière de vraiment sauver un qsar comme Aït Ben Haddou est de convaincre
ses habitants de s’y réinstaller et de l’entretenir au jour le jour. Pour
créer des conditions de vie satisfaisantes dans le village, le ministère
de la Culture a demandé l’aide d’autres administrations. Il a, entre autres,
sollicité le ministère de l’Equipement, qui s’est penché sur le problème
de l’accès au village, impossible en période de crue. Le ministère de
l’Education nationale a, de son côté, approuvé la construction d’une école
coranique au sein du qsar, en attendant que des effectifs suffisants permettent
l’ouverture d’une école primaire. Et l’Office national de l’électricité
a proposé d’équiper le village en énergie solaire.
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